Cinquante communicants à l’Etat de Genève: et alors?
La SRRP réagit à un article du Temps qui remet implicitement en cause l'utilité de notre profession.
Le nombre de personnes pratiquant les métiers de la communication est en progression constante depuis deux décennies. Ce n’est pas étonnant que l’Etat de Genève suive cette tendance, qui apporte une forte plus-value aux entreprises comme aux organisations à but non lucratif et aux collectivités publiques.
Le journal Le Temps a publié aujourd'hui un article intitulé La gourmandise de l’Etat de Genève pour les communicants. Dans les grandes lignes, on peut y lire que l'Etat de Genève emploie 50 chargé·e·s de communication. Ce qui ferait entre beaucoup et trop, selon les interlocuteurs auxquels le journal s'est adressé, et qui sont pour l'essentiel des membres de la Commission des finances.
En filigrane, le texte exprime une certaine ignorance de notre métier, implicitement taxé d’inutile et mis en concurrence avec les prestations à la population.
Ce qui est regrettable, c'est que l'article ne cherche pas à mettre en perspective ce nombre, à déterminer s'il peut se justifier par l'évolution des attentes du public ou les enjeux de communication de l'Etat, ou tout simplement à comprendre le rôle de ces communicant·e·s. C’est pourquoi il nous semble important d’apporter l'éclairage de la profession sur ces aspects.
La loi des nombres
On parle de 50 postes dédiés à la communication pour une entité qui employait plus de 18'000 personnes à la fin 2020. Il existe des entreprises de 2000 salariés qui ont des équipes communication de 30 à 40 personnes. Ou des startups de 10 qui ont leur propre chargé·e de communication. Bref, en proportion, ce nombre n'est pas particulièrement choquant.
Surtout que l'Etat de Genève est une structure complexe, composée de 7 départements, dont dépendent une multitude de directions générales, de directions, d'offices et de bureaux. Dans une telle nébuleuse qui manie des sujets aussi pointus que très divers, il paraît difficile de fonctionner avec une équipe de communication centralisée et réduite.
Il serait sûrement très intéressant de réaliser une comparaison avec d’autres cantons romands. Nous ne disposons malheureusement pas des données nécessaires, mais elles ne feraient probablement pas détonner la situation de l’Etat de Genève.
Une population en attente de transparence
Depuis deux décennies et l’apparition du web, les attentes du public ont énormément changé. Depuis que nous sommes toutes et tous connectés grâce à nos smartphones, nous avons perdu l’habitude de ne pas savoir. A la moindre question sans réponse, on sollicite Google ou Wikipedia. Cet accès permanent au savoir a créé un appétit d’information et de transparence vis-à-vis des entreprises comme des autorités. Dans le canton de Genève, cette transparence est d'ailleurs garantie par la LIPAD, la loi sur l'information du public et l'accès aux documents. Depuis son entrée en vigueur en 2002, la transparence est la règle et la confidentialité représente l'exception.
Là où jadis les médias de masse comme la presse quotidienne ou la TV étaient la source d’information unique de toute la population, la multiplication des canaux permet aujourd’hui au public de s’informer de multiples manières. Au moment, à l’endroit et avec l’appareil de son choix.
Personne ne songerait à remettre en question ce confort et cette liberté. Mais tous deux ont un prix: un travail d’adaptation et de diffusion qui a explosé, qui demande plus de temps et des compétences spécialisées. Par exemple pour réaliser des vidéos ou faire preuve de réactivité lorsque la population cherche à se renseigner par l’intermédiaire de Facebook.
Informer, mais pas seulement
L’être humain est un animal social, qui communique au quotidien. C’est le grand malheur de notre profession, puisque tout le monde affirme, à raison, savoir communiquer. Mais la communication interpersonnelle et la communication des organisations ne sont pas tout à fait les mêmes activités.
Les communicantes et les communicants font le lien entre les enjeux de l’organisation et les attentes des différents publics auxquels elle s’adresse. C’est ce qui leur permet de définir les messages à exprimer, les canaux de communication à utiliser et le rythme à adopter.
En agissant de manière réfléchie et avec méthode, les pros de la communication peuvent donc informer la population avec efficacité, faire évoluer la perception du public sur un sujet ou encore favoriser l’adoption d’un comportement.
Une fois que les organisations goûtent à la communication, elles prennent la mesure de son potentiel et souhaitent la plupart du temps étendre ses effets positifs. C’est une conséquence presque systématique que les personnes qui pratiquent notre métier constatent très souvent.
Il se forme une sorte de cercle vertueux qui permet à l’organisation de nouer de meilleures relations avec un public mieux informé, qui comprend mieux son activité.
C’est sans aucun doute pour cela que la croissance du nombre de pros de la communication est une réalité depuis de nombreuses années, dans les entreprises comme dans les organisations non lucratives et les collectivités publiques.
Pour la SRRP,
Romain Pittet, coprésident